From Chaos, Juliette Singer 2012

Press Release, 8 September - 20th October 

 

 

 

 

Untitled, 2012, oil on canvas, 116 x 89cm

A “sky that’s falling”, a red building “literally aground”....It seems that the works of Duncan Wylie can only be described by the artist himself in terms of tectonics. Criss-crossed by uplifted masses and clashing planes his paintings rebuff the superficial glance by a complexity of images made and unmade by stratum, revealing a spatial depth the artist constantly pushes further forward. The result is an explosive matrix whose energy emanates from the tension played out by the artist between abstraction and figuration.

In 2006, distancing himself from his previous series, he accumulated sketch after sketch, searching for new gestures describing pictorial space. This led to his fascination with the iconography of cataclysm. The nature of chaos being disorder, he arms himself with a set of rules. He tackles the canvas either directly, or by composing an orthonormal grid which he uses as a screen, almost a scaffolding. He then hastily applies his first paint strokes with alkyd, a quick drying paint of rough texture and quite basic colours. He follows this with thin, transparent layers of oil paint, in carefully chosen colours, over which are superimposed, in turn, more layers of paint, more thicknesses.

This method, based on the accumulation of stratum, implies a duration over time, and with a permanent stepping back on what is happening, allows for repentance and reversal dictated by the painting itself. Open to any accident, careful to let the paint evolve in a natural way, Duncan Wylie never knows beforehand the final outcome of his work. He lets himself be carried towards a story as it unfolds, towards a work that he allows to emerge without controlling it.

Inspired by photographs or newspaper cuttings, recognisable fragments come to the surface. Collision rules in what happens. The nuclear accident of Chernobyl (1986) stumbles against the famous Fallingwater house from Frank Lloyd Wright (1935). A torn apart building from Gaza merges with rubble from Japan. In this series, exhibited exclusively at the JGM gallery, the human figure appears for the first time among the fragments. But the loss of spatiotemporal landmarks still remains absolute. Scales are mixed up, accidents increase. The work becomes palimpsest, a witness to mismatched periods of history which are superimposed over the same surface without ever completely merging into one another.

It seems as if Duncan Wylie proposes through his painted “mille-feuille”, a glimpse on different layers of memory. The fragmented memory of a world in evolution; the memory of art’s history, where the European conception of painting as “a window on the world” meets the American approach of painting as a wall. The own memory of the artist who has added to his palette the very specific colour tones of rural primary schools in his country of origin, Zimbabwe.

Anarchitect in the style of a Gordon Matta-Clark, Duncan Wylie goes against the constructs of classical Greek thought, those masters of the “art of memory.” He builds demolitions. He digs the fault lines of the memory of the world, of the history of art, of his own story. He juxtaposes images while playing with the effects of reduction and mirrors, a process amplified through the use of the diptych in this series. In the end, the structured chaos of his paintings, far from being apocalyptic, is the product of a constant energetic rebirth, as loud and clear as a trumpet call. Fed with a perpetual movement of destruction and creation open to all possibilities, the space of the canvas lets the paint win over the image, and the energy of renewal overcome the ruins.

Juliette Singer

Conservatrice du patrimoine
Curator of the Boulogne-Billancourt Museums

 

Original french text :

Un « ciel qui tombe », une bâtisse rouge « qui gît littéralement »... Les œuvres de Duncan Wylie semblent ne pouvoir être décrites, par l’artiste même, qu’en termes de tectonique. Traversées par une dynamique de soulèvement des masses et d’entrechoc entre les plans, elles opposent au regard qui voudrait glisser trop vite sur elles la complexité d’images construites et déconstruites par strates ; la profondeur d’un espace que l’artiste tente de repousser toujours plus avant. Y éclate un tohu-bohu explosif dont l’énergie provient d’une tension dont l’artiste joue entre abstraction et figuration.

Cherchant en 2006 à sortir de ses séries précédentes, il multiplie les esquisses. Son processus même de recherche gestuelle et picturale l’amène alors à ouvrir son œuvre à l’iconographie du cataclysme. Pour dominer ce chaos, il s’arme d’un protocole. Il attaque la toile soit directement, soit après avoir tracé dessus une grille orthonormée lui servant de trame de départ, presque d’échafaudage. Viennent alors ses premières touches de peinture hâtivement tracées à l’alkyd, huile à séchage rapide à la texture un peu brute, et aux couleurs assez basiques. S’ensuivent des couches à l’huile fines et transparentes aux teintes plus recherchées, auxquelles se superposent, à leur tour, d’autres couches de peinture, d’autres épaisseurs.

S’inscrivant dans la durée et la prise de recul permanent sur ce qui est en train de se passer, cette méthode fondée sur l’accumulation des strates laisse toute latitude aux repentirs et aux revirements imposés par la peinture elle-même. A l’écoute de tout accident, attentif à laisser la peinture suivre sa voie naturelle d’évolution, Duncan Wylie ne connaît jamais d’avance l’issue de son travail. Il se laisse emmener vers une histoire qu’il découvre ; vers une œuvre qu’il laisse émerger, sans rien lui imposer.

Inspirés de photographies ou de coupures de journaux, des fragments identifiables font surface. La collision règne dans ce qui advient. L’accident nucléaire de la centrale de Tchernobyl (1986) achoppe sur la célèbre Maison sur la cascade (Fallingwater, 1935) de Frank Lloyd Wright. Un immeuble éventré de Gaza se fond avec des tas de gravats du Japon. Dans la série exposée en exclusivité à la galerie JGM, la figure humaine apparaît aussi pour la première parfois parmi les décombres. La perte de repères spatio-temporels reste néanmoins totale. Les échelles se brouillent, les accidents se multiplient. L’œuvre se fait palimpseste, témoin de pans d’histoires hétéroclites qui se superposent sur une même surface sans se fondre tout à fait.

Tout se passe comme si Duncan Wylie nous donnait à voir à travers sa peinture en mille-feuille, différentes strates de la mémoire. Mémoire fragmentée d’un monde en transformation. Mémoire d’une histoire de l’art où se croisent la conception européenne de la peinture comme « fenêtre ouverte sur le monde », et l’approche anglo-saxonne d’une peinture à dimension murale. Mémoire du temps long, de réalisation de l’œuvre. Mémoire propre de l’artiste, sa palette ayant puisé dans les couleurs des petites écoles rurales de son pays d’origine, le Zimbabwe, un vert très particulier.

Anarchitecte à la manière d’un Gordon Matta-Clark, Duncan Wylie va à l’encontre des édifices mentaux très stables dont les Grecs adeptes de l’« art de mémoire » se servaient pour tout mémoriser. Il bâtit des démolitions. Il creuse les failles de la mémoire du monde, de l’histoire de l’art, de la sienne propre. Il mélange les images, tout en jouant sur des effets de démultiplication et de miroirs, que certains de ses derniers tableaux reprennent jusque dans la forme du diptyque. Au final, le chaos structuré de ses peintures, loin d’être apocalyptique, relève plutôt d’une palingénésie énergique, aussi sonnante et éclatante qu’un air de trompette de Miles Davis. Nourri d’un mouvement perpétuel de destruction-création ouvrant sur tous les possibles, l’espace du tableau laisse la peinture gagner sur l’image et l’énergie du renouveau, prendre le dessus sur la ruine.

Juliette Singer

Conservatrice du patrimoine
Conservatrice des musées de Boulogne-Billancourt